jeudi 18 octobre 2007

Shanghaï


Une forêt de gratte-ciel
Époustouflant, inouï, extraordinaire, fantastique, extravagant, mirobolant, merveilleux...
Aucun qualificatif n’arrive à exprimer ce qu’on ressent lorsque à 230 mètres à mi- sommet de la tour de télévision on jette un regard panoramique sur cette ville qui en moins de vingt ans a poussé comme un champignon. Tout autour ce ne sont que des gratte-ciel de toutes les formes, de toutes les factures et de toutes les couleurs. Ces édifices affichent des noms connus comme Marriot, HSBC, Epson, Radisson et d’autres qui sont manifestement asiatiques. C’est un mariage des grands de ce monde et à grande allure. New-York, ce mythe du futur de notre enfance, est démythisé et fait figure de petit village provençal à côté de cette agglomération de techniques et d’architectures tout à fait futuristes.


Et la nuit la féerie s’amplifie de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et de toutes les audaces publicitaires. Dès la tombée du jour la place centrale de Shanghai devient une immense vitrine où grâce à la magie de l’électronique ces édifices deviennent d’immenses écrans qui nous disent le monde de demain dont les racines couvrent cette terre d’Asie.
Circulant aux abords de Shanghai l’autre jour, je me demandais si le passé si riche de sagesse en Chine saurait donner une âme à ce monstre de verre et de béton qui semblait venir directement des forges de l’enfer. Je crois aujourd’hui que l’âme de cette civilisation est celle des pionniers, celle de ces audacieux bâtisseurs qui ont donné à l’Amérique cet élan de conquête tout azimut, ce dynamisme que rien se semblait pouvoir arrêter.
Aujourd’hui le flambeau s’est relayé à la Chine. Il allumera sûrement des feux nouveaux sur cette terre des dragons, sur l’Asie et sur toute la planète. Que sera cet enfant? Sa croissance entraînera sûrement d’importants bouleversements de tous ordres. Déjà, même en Chine, on voit l’écart entre riches et pauvres s’agrandir.
Mais ce n’est pas tellement l’écart qui compte. Ce nouveau monde me réservera-t-il des zones de paix où je pourrai avec un certain confort y poursuivre, libre et aimant, mon tour de carrousel? Voilà ce qui compte vraiment. Les cinq chauve-souris porteuses de bonheur selon la sagesse chinoise, ne sont pas interdites dans ce nouveau monde. Il m’appartient de les laisser voler allègrement.
En soirée, un spectacle à couper le souffle des meilleurs acrobates de la Chine compléta de merveilleuse façon cette journée de rêve. Un spectacle bien rodé, sans longueur nous ménageant à chaque scène d’inimaginables surprises.
La Chine sait très bien faire les choses. Les acrobates chinois nous ont montré les sommets d’habileté que peut atteindre l’être humain. Il peut sûrement chevaucher et apprivoiser le nouveau dragon qui allume de tous ses feux la ville de Shanghaï.
Florian

Les trois âges de la Chine

Jour 16 Vers Suzhou

Les trois âges de la Chine

Journée sans grand émerveillement. Lever à 5h15, vol vers Shanghai. Longue route de l’aéroport vers Suzhou, arrêt à LUJZHE petit village médiéval témoin de la simplicité de vie des temps passés.

Un petit amusement cependant. Léon nous avait promis une chanson. Il exécute avec brio un air qu’il croit un extrait de Tristan et Yseult. Certaines y entendent une chanson de Daniel Lavoie. Nous lui répondons avec du Raymond Lévesque, “Quand les hommes vivront d’amour...” Léon enchaîne avec une romantique chanson chinoise puis nous puisons dans le folklore tout ce que la spontanéité du moment nous suggère et pour finir, bien entendu, avec “Mon cher Léon c’est à ton tour...” Ce fut amusant.
Être Daniel Lavoie ou Raymond Lévesque, je serais gonflé à bloc... Imaginez entendre sa chanson résonner de la bouche d’un Chinois sur les rues de la plus antique cité de la Chine!

L’aéroport de Shanghai est immense . Un gris aluminium qui se confond avec l’horizon embrumé. Une petite surprise . Le plafond de l’entrée, voûté comme le ciel est comme un immense gâteau renversé, bleu royal dans lequel on aurait planté une multitude de chandelles blanches. L’effet est surprenant.

Nous devons faire quatre heures de route avant d’arriver à Suzhou. Une autoroute à six voies avec ses panneaux verts comme ceux de partout. Une circulation dense où dominent les véhicules lourds. Des bouchons de quelques kilomètres avant les postes de péage. À l’horizon un découpage de gratte-ciel fondu dans une brume de smog. Au centre de ce déplacement affairé, notre car aux sièges défoncés, qui prend mal les chocs de la route et dont le freinage inquiète.

Et tâchant de dominer ce tintamarre de sons et de gris métallique, car le micro ne fonctionne pas, notre guide nous répète à toute occasion un vieux refrain américain: la Chine connaît le plus haut taux de croissance économique AU MONDE, la ville de Shanghai avec ses 19 millions d’habitants deviendra bientôt la plus grande ville AU MONDE etc ...son port, son aéroport, les plus importants AU MONDE...


Il continue le panégyrique: C’ian c’est la Chine quadri-millénaire, Beiging la Chine millénaire et Shanghaï une ville centenaire.

X’ian, le passé de la Chine, Beijing son présent et Shanghai son futur.

À X’ian j’ai admiré la profondeur et la force des racines qui alimentent la culture chinoise.
À Beijing, devant la vitalité de sa population qui sait rire, errer et flâner sur ses places publiques, je suis réconforté, la Chine donne au monde le ton d’une humanité rayonnante.

Mais devant Shanghai toute couturée d’autoroutes, toute plaquée d’enseignes lumineuses, toute froide de ses industries lourdes, j’ai peur. J’ai peur que Shanghai dessine pour la Chine et pour le monde les traits d’une humanité robotisée, en deuil de son âme.

Comme pour se faire pardonner cette intrusion dans l’enfer du futur, l’itinéraire nous arrête le temps d’une paix à Lujze, ce village de 6 mille habitants aussi vieux que la Chine où les mamans pédalant un vélo à trois roues ramènent leur enfant de l’école et où les garçons accroupis sur le pavé jouent innocemment comme aux dés les cartes de leurs héros du futur.
Le passé saura-t-il racheter l’avenir?

Florian